mardi 26 avril 2016

"Le Crime, l'Enquête, le Hasard et la Joie" au Théâtre Clavel

Que se cache-t-il derrière le titre un peu pompeux du Crime, l'Enquête, le Hasard et la Joie ?
Quatre comédiens sous la houlette de Elie S, fondateur de la Compagnie Rascar Capac - je suis restée admirative face à cette référence déguisée au plus célèbre des reporters belges - qui joue également dans sa propre production.
Aujourd'hui, grâce à une subtile mise en abyme, c'est son anniversaire : tous les comédiens de sa troupe sont réunis pour parler théâtre, de leur travail, philosophie... et même film noir. Le déroulement très chaotique de la pièce est entrecoupé d'une scène répétée à l'infini mais chaque fois légèrement modifiée au cours de laquelle deux détectives ratés enquêtent sur un crime policier. D'où le danger de qualifier cette pièce de policière : on est très loin des 39 marches ou d'un Dernier coup de ciseaux, l'énigme ne constituant qu'une infime portion de la représentation. 
En réalité, le Crime et l'Enquête ne sont que des facettes de cette production hybride très granguignolesque que nous livre cette troupe de jeunes comédiens. Où chaque élément du titre n'est qu'un aspect, une partie immergée de l'iceberg, ou même l'un de ses personnages, de ses acteurs qui, à force de pièces dans la pièce, endossent de multiples rôles. 


Spectacle volontairement non parrainé par la Culture, sa Ministre y fait une apparition sous les traits de l'acteur portant le nom de Lucas (peut-être aussi son patronyme véritable ?), coiffé d'une perruque. C'est assez loufoque et tiré par les cheveux - c'est le cas de le dire ! - mais Audrey Azoulay, quand on rentre dans les méandres de la pensée du metteur en scène, on la reconnaît tout à fait. La voici affublée d'un sac rempli de billets de banque, symbole des maigres subventions qu'on accorde de nos jours aux intermittents. Ca dénonce en se moquant avec beaucoup d'amertume, et pourtant on rit : tout à fait dans l'esprit de ce début de 21ème siècle. 
Politique, actualité, psychanalyse, psychologie, violence, art postmoderniste, culture populaire, tout y passe : autant de sujets qui se prêtent à la satire, au rire, mais un rire très grinçant. Pourtant, c'est plus fort que tout, le spectateur glousse, même dans les moments embarrassants tels celui où le protagoniste principal narre l'histoire de sa mère écrasée par une voiture... Impossible de ne pas succomber à l'hilarité générale (celle des acteurs aussi ! qui manifestement jubilent de se libérer ainsi sur scène et essuient maints fous rires), c'est plus que nerveux. 



Pendant une heure trente, la compagnie Raspar Capac nous emmène dans le tourbillon de ses délires maniaco-dépressifs, pour se solder dans un illustre hara-kiri général où ces garçons redevenus enfants jouent à la guerre, au milieu de la seule comédienne, qui, après avoir été la bonne copine suprasensible handicapée, se cache sous le masque d'un évêque/ sorcière sorti(e) de nulle part. 

Il est plus que difficile de résumer Le Crime, l'Enquête, le Hasard et la Joie. A la croisée entre la farce du moyen-âge, le théâtre avant-gardiste, la scène populaire style Rocky Horror Show et l'absurde de Ionesco, passez votre chemin si vous n'avez pas une once de trente-sixième degré. Quant à ceux qui aiment le grand n'importe quoi de qualité, ils seront plus que ravis par ce joyeux et assez jouissif bordel. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire