lundi 4 avril 2016

Florence + The Machine au Zénith de Paris : c'est grand, c'est bleu, c'est beau !


30 décembre 2015

Solaire Florence. Quelle énergie, quelle voix, quelle émotion !

Environs de 20h : Malheureuse détentrice d’un billet « assis/ placement libre », je tente ma chance pour m’introduire dans la fosse. Rien n’à faire. Le vigile est bien là, me sommant d’emprunter les escaliers. Grâce à un personnel ayant visiblement adhéré à une charte du travail néo-nazie, je me vois reléguée au rang des gradins. Et quels gradins ! Impossible d’accéder au places en milieu de salle, tout le monde s’est déjà pressé entre les sièges à l’avance, fêtes obligent. Les concerts à l’arrache, ça n’est plus ce que c’était. J’arrive donc côté cour, relativement proche de la scène, espérant pouvoir me glisser à travers les barrières une fois le concert entamé… c’était sans compter sur la présence d’autres gardiens placés stratégiquement devant les escaliers menant au rez-de-chaussée. C’est donc avec un soupir dépité, excédé même, que je prends mon mal en patience et attends fébrilement l’arrivée de la Belle.


Première partie. Son mal réglé, voix éraillée, guitares stridentes. Encore un groupe qu’on oubliera très vite, faute de talent ou de technique. Le public s’impatiente.


Salut, moi c'est Fanny. Rossetti m'a choisie comme modèle parce que
ça commençait sérieusement à déconner entre lui et sa meuf, une
autre gourde aux cheveux oranges et la peau pâle
21h et des poussières. Notre vocaliste fait enfin son entrée fracassante ! Heureusement, tout le monde autour de moi se lève comme d’un seul homme. Pendant que les musiciens s’installent, Flo, débarque par la fosse pour prendre un bain de foule. Elle arbore une tenue bleu et blanc très 7Os et une couronne de fleurs sur sa longue et ondoyante chevelure cuivrée, qui n’est pas sans rappeler son costume dans le clip « Rabbit Heart ». Tenez justement, parlons-en de ce clip. 

Si la très charismatique Florence Welch plaît autant aux amateurs (et surtout amatrices !) de peinture victorienne, c’est parce qu’elle a elle-même étudié l’histoire de l’art, notamment sous l’égide de sa mère. Plusieurs critiques musicaux vont jusqu’à la comparer à une muse préraphaélite, à travers son sens aigu du packaging (si mémorable que soit la pochette de Lungs), son élégance manifeste (robes d’inspirations médiévales et réalisées par les plus grands couturiers) ou encore ses allusions picturales (certains rapprochent la couverture de Ceremonials au tableau The Beloved de Rossetti). 


Mais si, rappelez-vous. A la fin du clip « Rabbit Heart », Florence s’enfonce dans ce qui apparaît être un cercueil blanc voguant sur l’eau, telle ses héroïnes tragiques favorites, j’ai nommé Ophelia ou la Lady of Shalott de Waterhouse. Et c’est bel et bien ainsi que la grande prêtresse rock m’a séduite. Au départ je n’y entrevoyais qu’une musique au succès manifeste, adulée par des adolescents pré-pubères en quête d’identité. Mais j’ai découvert son goût pour l’esthétisme, la poésie de ses paroles qui ne sont pas sans rappeler un Keats ou un Tennyson. Une vraie anglaise quoi, d’un autre siècle. Férue de vieilles légendes, de littérature et d’art.

Revenons à nos chansons. Notre diva ouvre le bal avec « What the Water Gave Me », dont j’entonne avec enthousiasme le refrain. J’observe autour de moi : personne. Seul le noyau de la fosse semble suivre. Or, lorsque l’orchestre entame les premières notes de « Ship to Wreck », la première ballade de ce 3e album studio, nombreuses sont les jeunes filles qui s’égosillent. Comme c’est curieux. Un public qui paraît connaître les paroles des tubes récents donc, mais pas des anciens. Ceci dit, quelle joie de voir que la moyenne d’âge n’est pas, contrairement au concert d’il y a cela trois ans, de 15 ans, mais plutôt de 20/30 ans. A la bonne heure.

A ce titre, faisons quelques instants demi-tour sur la carrière musicale de cette ex-choriste, qui, selon sa formule non dépourvue d’humour « a très mal tourné ». Florence + The Machine est devenu célèbre grâce au LP Lungs qui accumule tubes et pépites mais demeure assez expérimental et un peu trop travaillé. En réalité, c’est dans les B sides que vous trouverez les perles de cet album. Lungs se distingue par ces envolées lyriques de cordes et de caisses claires, mais c’est à Ceremonials, plus abouti et plus unifié, que va ma préférence. Moins incisif que Lungs, ce parfait 2e album est peut-être aussi plus personnel et plus sombre. Cors et orgues y résonnent plus fréquemment.
How big, how blue, how beautiful se situe, de manière assez inconfortable, entre les deux opus précédents. C’est une œuvre très complète et construite que nous livre le groupe, qui manque cependant d’originalité et de diversité dans les styles musicaux. Peu être d’émotion aussi.
Extrait du très repris "You've Got the Love"
Sur scène, je suis assez surprise de voir que le son de ces trois albums est relativement bien rétabli, malgré la désastreuse réputation de régie du Zénith. Seules la harpe et la basse en prennent pour leur grade. De « Bird Song » nous n’avons malheureusement que l’intro. Qu’importe. Nous avons droit, tout à tour, au final électro de « Rabbit Heart », puis à un bon son pop avec « Delilah » et même, chose inespérée, une version acoustique de « Cosmic Love ». Sur le très soulesque « You’ve Got the Love », la diva se mêle une fois de plus à la foule et prête son micro pour que nous fredonnions (que dis je ! bleuglions le plus fort possible !) avec l’orchestre.

Certes, le public, applaudit pendant ou avant la fin des chansons. N’est guère motivé avant le milieu du set. Tape des mains, surtout au moment où il ne faut pas, quand on ne lui a rien demandé. Mais je suis subjuguée : je découvre Flo sous un tout autre jour. Car ça n’est pas seulement une jeune femme à la beauté éthérée et à la voix sublime, c’est aussi une putain de sportive et de danseuse ! Miss Welch sprinte, de gauche à droite sur la scène, esquisse plusieurs pas de salsa, de rock. Elle virevolte, pirouette tant et si bien que je la soupçonne d’avoir été petit rat dans une autre vie.
Et puis il y a cette voix… Puissante, fraîche et distincte. Bien mieux placée que lors de la tourmente des tournées précédentes. Limpide comme de l’eau de roche. Capable de tenir les plus hautes notes de l’opéra comme les accents chauds du rock.



Juste avant « Third Eye », notre héroïne s’adresse aux spectateurs pour une simple requête, celle d’éteindre, d’abaisser nos armes du monde moderne, j’ai nommé nos portables et appareils photos. Pour être ensemble, tout simplement. J’oublie quelques instants mes diatribes anti-parigotes pour me dire que je suis là, au bon endroit, au bon moment. Parce que oui, il faut bien l’avouer, je me sens un peu hippie avec Florence + The Machine. C’est un groupe que j’aime sans concession, sans retenue. Miss Welch tente une fois de plus de communiquer avec nous en s’essayant au français sur le titre éponyme de l’album. 

"Shake it out! Ouh oh oh!
And it's hard to dance, with a devil on your back..."
En fait, Florence, c’est un peu comme la copine parfaite qui t ‘énerve vachement au début (trop belle, trop talentueuse, trop intelligente) et que tu découvres petit à petit. Sensibilité à fleur de peau. Une fois que tu as compris ça, que c’est ta pote de bar qui te dit « T’as vécu tout ça ? Moi aussi. Et ça fait sacrément mal. Mais tu sais quoi ? C’est normal de chialer », eh bien tu la laisses t’accompagner dans tous tes coups les plus durs. Comme de par hasard, c’est le moment que choisit le groupe pour jouer « Shake it Out ». Et là, ça n’a pas loupé, dès les premières notes, je sens mes glandes lacrymales s’activer. Oh crap. Pense mon cerveau. Oh shut the fuck up. Pensent mon cœur et mon corps.


Une fois les chutes du Niagara épongées, la belle déclare une fois de plus son amour à la France en partageant l’anecdote suivante : apparemment ce serait lors de son dernier passage à Paris qu’elle aurait décidé d’afficher une frange définitivement volontaire après être allée chez Rock Hair (salon qui déchire sa maman à Bastille, ndlr). Je me dis, en gloussant un peu, qu’au ton de sa voix, la cantatrice est légèrement éméchée. 

"Queen of Peace": c'est moi où y'a un petit côté Patti Smith? 
Les tubes s’enchaînent. On approche du bouquet final. Mais je ne peux m’empêcher de rugir de plaisir sur l’ouverture de « Queen of peace » que je n’espérais plus, ma préférée du nouvel album. « What Kind of Man », sa chanson la plus agressive, permet de nous époumoner en chœur grâce à son refrain efficace. C’est violent, ça résonne dans tous les coins, cette voix, ces cuivres, ces guitares, c’est du rock, du vrai, bon dieu, ce que c’est bon d’être là ! A la fin de « Spectrum », Florence fait mine de s’évanouir sur scène,  évoquant les plus grands moments de scènes orchestrés par les stars du rock anglophone. On pense Bowie. Iggy Pop. Strummer. 

« The Dog Days are Over » sonne le glas d’un concert magistral. La diva demande à la foule de se prendre dans les bras puis de s’embrasser et à ma grande surprise, cette dernière s’exécute. Un couple de jouvenceaux devant moi me passe l’accolade. Puis, au crescendo le plus décisif de son tube, Florence lance la folle requête de voir tout le monde retirer un vêtement dans la salle. Aussi fou que cela puisse paraître, ça marche ! Et nous voilà, nous les filles, à danser et suer en soutien-gorge, comme s’il l’on revivait Woodstock des années après. T-shirts, gilets et sous-vêtements volent en direction de la fosse, beaucoup pensent que c’est terminé.

Après un simulacre de sortie, le groupe revient en force sur scène. Pendant tout le set, Florence Welch n’a parlé des événements du 13 novembre qu’à demi-mots. Et c’est avec subtilité qu’elle a décidé de tirer sa révérence, en faisant recouvrir le mur de bleu, blanc et rouge, puis à travers deux reprises évocatrices. Un magnifique « All you need is love » des Beatles, d’abord, que plusieurs reprennent en chœur, et avec beaucoup d’émotion. Puis enfin, « I Love You All the Time », des Eagles of Death Metal, qui, il faut bien l’avouer, sonne bien mieux, interprétée à cette occasion, que l’original.

Voici comment s’est clôt cette performance. 1h30, quand on va voir un groupe aussi généreux, aussi enjoué, c’est bien trop court. Finalement, Florence + The Machine sur scène,  c’est comme la dégustation de vin d’une année phare : le groupe s’est bonifié avec le temps, a pris de la bouteille et peut à présent jouer avec un plaisir non dissimulé. L’ultra professionnalisme de Ceremonials est loin derrière eux. Alors oui, c’est vrai, Flo n’a pas présenté ses musiciens, peut-être accablée par l’enchaînement des concerts lors de cette récente tournée. Oui c’est vrai, le public français, légèrement à la ramasse, ne sait parfois pas trop où se mettre face à cette furie rousse et ses fans en délire. Mais, ce qui est sûr, c’est qu’un adjectif, et un seul, pourra rendre justice à cette soirée : inoubliable.


En fait, Florence, c'est un peu notre Lady of Shalott de la pop indé




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