John Everett Millais, Ophelia, 1852 Huile sur toile, 76 x 112 cm Tate Britain, Londres |
Il
y a quelques années, alors que j’effectuais mon second séjour à Londres, je
suis tombée en admiration devant une toile de la Tate Britain, musée que je
visitais pour la première fois. Le tableau représentait une mince jeune fille à
la peau pâle et aux paupières lourdes. Ses yeux bleu myosotis semblaient perdus
dans le vague, tandis que ses cheveux roux et sa robe flottaient dans l’eau de
la rivière, emportés par le courant. Entourée de guirlandes de fleurs, la bouche
entr’ouverte, elle chantait. Il ne m’a pas fallu plus de quelques secondes pour
reconnaître Ophélie, la bien-aimée d’Hamlet conduite au suicide par la folie
simulée du personnage éponyme, une héroïne shakespearienne dont j’avais aperçu
l’œuvre en cours de lettres lors de ma licence (mais, soyons honnête, sans
vraiment y prêter attention).
Si
l’idée de mise en image de mythes littéraires au sein de l’aventure
préraphaélite m’a tout particulièrement séduite, je suis me suis
progressivement laissée charmée par les œuvres de ces jeunes anglais téméraires
qui désiraient révolutionner le monde de l’art. Mieux encore, c’est cette
visite à la Tate Britain qui m’a conforté dans mon désir de travailler en musée
ou galerie, alors que mon parcours universitaire me dirigeait vers une carrière
de professeur.
C’est
grâce à un livre poussiéreux déniché dans une vieille bibliothèque que j’ai pu découvrir la fascination que ce type de peinture avait exercée sur
ma grand-mère. Ce n’était donc pas sans une certaine émotion que j’ai feuilleté
cet ouvrage qui m’emportait dans le paradis terrestre de Millais, Rossetti et
Burne-Jones, peuplé de créatures enchanteresses issues des plus grands canons
de la littérature européenne. D’une certaine manière, c’était comme si, à
l’instar de la notion de réminiscence évoquée par Platon, j’avais toujours su
que ce penchant existait : la découverte du tableau d’Ophelie et du livre de Wood ne relevait pas de la pure coïncidence.
Dès
lors, la boucle était bouclée : l’art de la période victorienne me permit
de faire ce lien si naturel entre mon goût pour la littérature anglaise et mon
appétit naissant pour la culture visuelle au sens large. Petit à petit, j’ai
découvert la peinture britannique, et surtout, celle du 19ème
siècle. Si l’époque victorienne me passionnait déjà sur le plan littéraire,
j’ai remarqué que sa production artistique était tout aussi singulière.
William Powell Frith, Vernisage à l'Académie Royale de Peinture, 1881 Huile sur toile, 60 x 114 cm, collection particulière |
Mais
c’était sans compter sur les questions d’amis et connaissances qui semblaient
perplexes face à cet engouement. « Mais pourquoi tu n’étudies pas la
peinture française, ou italienne ? C’est bien plus
intéressant ! » faisaient partie des remarques les plus récurrentes.
Heureusement, quelques proches m’ont encouragé en me montrant des toiles de
Waterhouse, Frederick Lord Leighton, Millais… J’ai alors commencé à me demander
pourquoi l’art de cette période paraissait si éloigné de nos considérations
modernes. Au travers de mes lectures, je me suis rendue compte de la richesse
de cette époque sur le plan artistique, qui m’a accompagnée jusqu’à la fin de
mes études de Master et fait encore aujourd’hui partie de mes domaines de
prédilection.
Ce
dossier ne présente pas une liste exhaustive des problématiques portant sur la
condition féminine à l’époque victorienne. Il faudrait plus le considérer comme
une entrée en matière au sein de différentes thématiques qui préoccupent les
artistes de l’époque mais qui paraissent aussi présenter une résonance chargée
de significations pour les spectateurs contemporains que nous sommes. Vous
remarquerez que les victoriens exaltent plusieurs héroïnes et canons
esthétiques. Certains acquièrent même un sens d’envergure nationale au sein de
la pysché britannique. Il
ne me reste plus qu’à vous souhaiter une excellente lecture avant de vous
plonger dans l’imaginaire des fascinants artistes du 19ème siècle
anglais.
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