Revoir un groupe chéri sur scène tant d'années après, c'est un peu comme retrouver une bande de copains de longue date perdus de vue. Arrivées bien en avance, nous monopolisons la rambarde du premier "balcon" afin de préserver notre point de vue. Grossière erreur: certain(e)s plaisantin(e)s n'étaient pas prêtes à reculer de quelques pas pour laisser passer le photographe. Les quelques spectateurs peu cordiaux présents derrière nous refusaient catégoriquement de troquer leur place chèrement payée. Et il semble bien que plus le temps passe, plus l'obtention d'un billet pour une salle moyenne comme celle de la Cigale relève de l'impossible. J'ai eu d'ailleurs une chance folle en soutirant à la Fnac la toute dernière place du serveur une heure après la mise en vente, un mois auparavant. C'était, autrement dit, la prouesse qui avait illuminé ma journée.
Autant donc dire que ce concert, nous l'attendions depuis très (trop) longtemps. Et ce retour en force pour un nouvel et cinquième album faisait également piaffer plus d'un fan d'impatience, surtout après la mise en ligne de quelques singles avant la sortie de début juin. Pour la deuxième fois, j'avais la chance de voir les Kills jouer et pour la quatrième fois la belle Alison Mosshart (aka VV) en compagnie de son acolyte Jamie Hince, j'ai nommé Hotel. Comme les Stripes, les Kills font partie de ces duos fusionnels qui s'affublent de petits noms, parfois pour brouiller les pistes lors des rares interviews qu'ils accordent.
Après une première partie adulescente et plus que stérile, nos musiciens font leur entrée sur scène en entamant le set par le catchy "No Wow", titre éponyme du second album. Le public parisien, toujours sage, met du temps à se dérider pendant que Hotel, toujours en retrait mais si juste à la guitare, laisse la vedette à VV, tout en chantant discrètement en fond. Attifée d'une teinture blonde platine, après un passage par le rose il y a quelques années, Alison se déhanche pour laisser entrevoir ses longues jambes fuselées à peine couvertes par short en jean et cuissardes. Sa chemise noire à motifs vient compléter sa tenue: chez n'importe qui, ça serait vulgaire, mais elle la sublime, littéralement. Qu'on est loin du vilain petit canard qui se cachait derrière sa chevelure noire de corbeau et ses vêtements de garçon manqué ! Contrairement au show avec les Dead Weather en 2009, elle a peut-être maigri, mais elle n'est plus possédée, elle a l'air heureuse, sereine.
Une légende urbaine dit que la belle avait l'habitude d'enchaîner les cigarettes puis d'avoir un seau à disposition pour vomir avant et pendant le spectacle (et aussi d'embrasser langoureusement Hotel devant tout le monde, mais ça, j'y crois moins). Eh bien je suis persuadée que cette période est pour elle révolue, elle parvient à maîtriser parfaitement l'espace et semble plus généreuse. Comme d'habitude, nos héros sont peu communicatifs, à l'instar d'un Jack White, c'est à coups de riffs et de grands sourires, puis de discrets "merci" qu'ils transmettent leur plaisir d'être là au public.
Et plaisir, il y a, ça se sent ! C'est fou, cette complicité qui existe entre ces deux musiciens qui, s'ils étaient auparavant amants, partagent une telle alchimie qu'ils refusent d'extrapoler sur la nature de leur relation à n'importe quel journaliste. Petits regards en coin, clins d'oeil, rires étouffés, échange de guitares, leur fraternité amoureuse s'exprime sur tous les plans pour faire le délice de la foule.
En cela, The Kills est, sur scène, un groupe étrangement magnétique. C'est même plus que cela, autant y aller franchement : The Kills, sur scène, ça suinte le sexe. En témoigne leur très sensuel "Kissy Kissy" agrémenté d'un jeu de lumière rouges et orangées. Il est vrai, la régie, ce soir là, a réalisé un travail formidable. Et pour couronner la fin du tube, Hince vole un baiser au cou de Mosshart qui rougit de plaisir.
Et pourtant malgré le rythmé "The Heart is a Beating Drum", malgré les paroles faciles à entonner, malgré les beats répétitifs (on ne le répétera jamais assez: The Kills, c'est du post-punk dark, chastes oreilles s'abstenir) le public reste assez sage et danse peu. C'était beaucoup plus sauvage à l'Olympia en 2011. Heureusement qu'il y a Hotel pour faire brailler sa guitare, tandis que VV arpente la scène telle une lionne en chasse à la recherche d'une proie ou une poupée automate réagissant aux soubresauts des beats et autres instruments. Elle entortille ses jambes dans les fils de la guitare et du micro, et lorsqu'elle faillit tomber, rejette négligemment ce dernier sur le côté. C'est un fait, Alison Mosshart sur scène rend les hommes (et les femmes !) fous, et doit d'ailleurs accepter tout type de CDs, fleurs et autres cadeaux pendant le concert. Cette tigresse hurle successivement sa hargne dans le micro, se déhanche et prend parfois la guitare pour accompagner son ami.
Qui dit prochain album dit chansons inédites sur scène. Aussi le très attendu "Doing it to Death" est repris en choeur (chose qui m'étonnera toujours, puisque les spectateurs à mes côtés ont l'air de mieux connaître les nouvelles chansons que les anciennes). Et surtout, nous avons découvert le percutant "Whirling Eye" qui a enflammé la scène. C'était peut-être la plus belle pépite de cette soirée. Mais si j'attendais encore plus avec impatience "Cheap and Cheerful", "The Last Goodbye" ou "The Future Starts Slow", qui, lors de la dernière tournée, ouvrait le bal de chaque concert, quelle n'a été ma surprise lorsque j'ai reconnu les premières notes de "Pots and Pans", une de mes chansons favorites du dernier et quatrième album. Cette fois-ci, c'est Alison qui recule de quelques pas pour aller flirter avec la batterie.
On approche de la fin, ainsi que l'indique "Monkey 23" qu'ils prolongent, encore et encore. Cela faisait tellement longtemps qu'on n'avait pas entendu cette chanson du premier album, et encore moins sur scène ! A ce moment là, c'est acquis, tout le monde entonne le simple refrain en choeur.
Les Kills ménagent leur effet de surprise, nous font attendre quelques minutes, font durer le suspense... pour revenir en force avec pas moins de quatre chansons ! Et si j'ai été déçue de ne pas avoir mes tubes fétiches ou cru que c'était vraiment trop court, je me suis rappelée après coup que le concert de l'Olympia n'avait pas non plus dépassé les 1h30. Sans compter qu'ils se démènent véritablement sur scène et que c'était l'un des concerts les plus longs de la tournée, c'était de bonne guerre. Et puis ces superbes "Tape Song" et "Fried my Little Brains", quelle réussite ! Guitares crachantes, feulements assourdissants de VV, ils nous ont servi un set rock, un vrai.
Les petits chanceux auront l'occasion de revoir The Kills à l'Olympia pour deux dates exceptionnelles en octobre. En attendant, je crois que la soirée se résume à travers l'explicite single: Doing it do death. Le faire jusqu'à la mort avec les minimalistes et génialissimes The Kills, cette petite mort qu'on recherche tous lors d'un concert de rock. On n'en peut plus d'attendre la sortie du nouvel album.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire