vendredi 31 août 2018

Le nu: contemplation du beau ou plaisirs charnels coupables ?

François Xavier Winterhalter, Florinda, 1852
Huile sur toile, 179,3 x 243,9 cm
Royal Collections Trust

Il y a encore quelques années, l’époque victorienne évoquait ces bourgeois collets montés aux habits étouffants. Leurs valeurs semblaient pesantes et hypocrites, leurs émotions mièvres. Les couloirs de leurs intérieurs apparaissaient comme lugubres. Chez les plus prudes, un drap recouvrait les pieds des meubles. 
Il suffit de s’entretenir avec des amateurs d’art pour s’apercevoir que cette idée de pudibonderie persiste outre Manche. Depuis le début des années 2000, le travail de sociologues, historiens d’art et conservateurs permet de contester cette opinion largement répandue sur la période victorienne. En réalité, aucune source historique fiable ne nous permet de valider cette hypothèse. 
Le nu constitue l’un des sujets les plus manifestes des arts de la période victorienne. Représenter le nu n’était pas sans danger : comme il était sujet à la controverse, il fallait savoir affronter les jugements les plus impitoyables. 
Parce que les femmes n’étaient pas admises au cours de modèle vivant, les artistes dont nous analyseront les œuvres sont tous de sexe masculin. Il faudra attendre 1893 pour que les femmes, lorsque leur talent et rang social l’autorisaient, puissent pratiquer l’étude du nu masculin au sein de la Royal Academy[1]. Pour que cet exercice respecte les bonnes mœurs, celui-ci se produisait dans des conditions assez… particulières : non seulement le cours était optionnel, mais le modèle devait porter autour de la taille un drap aux dimensions réglementées. Une lanière de cuir attachée au niveau des hanches empêchait le tissu de tomber. 
La sexualité faisait en réalité partie des préoccupations majeures des victoriens. Les débats qui animaient artistes et critiques autour du nu démontrent que l’établissement de la limite entre ce qui était perçu comme décent ou obscène était flou. Grâce aux recherches effectuées depuis la parution de l’enquête biaisée de Kenneth Clark à ce sujet (1956)[2], nous tentons progressivement de concevoir la position des victoriens relative à cette catégorie artistique inextricablement associée à des considérations d’ordre politique et moral. 

William Etty, Nu de femme avec
un moulage de la Vénus de Médicis

1835 - 1837
Courtauld Gallery, Londres
La sensualité à l’Antique
La reine ne réprouvait pas le nu en peinture. Elle en était au contraire une fervente admiratrice : en 1852, elle offrit au Prince le tableau d’une scène de groupe qui comportait de nombreuses figures à peine recouvertes par leur drapés. Victoria qualifia Florinda[1], d’ « absolument charmant ». Pour tout artiste qui se respectait, le dessin du nu faisait partie de la base de sa formation. Cette esquisse de William Etty (1787 – 1849) révèle le sévère programme des étudiants de la Royal Academy, qui devaient dessiner d’après des moulages de plâtre avant de passer à l’étude du modèle vivant. 
Au début du 19ème siècle, artistes et critiques britanniques s’aperçurent pourtant de l’absence de normes établies qui auraient pu servir les intérêts d’une école nationale. A plusieurs reprises, celle-ci fut vilipendée par les Français, autrement dit, les vainqueurs du goût en terme de dessin de nu. Il s’agissait de déterminer s’il fallait adopter une approche « continentale » fondée sur l’idéalisation de la forme (issue des maîtres de la Renaissance italienne) ou rester fidèle à la tradition empirique (transmise par l’école flamande). Etty s’exposa à bien des blâmes lorsqu’il proposa de prendre l’œuvre de Titien pour référence : grâce à sa riche gamme chromatique, elle lui permit de tempérer la rigidité des corps néoclassiques qui firent leur apparition en peinture après la Révolution Française, tout en rendant la sensualité des nus vénitiens convenables au public victorien. 
Frederic Leighton, Le pécheur et la sirène
1856 - 1858
Huile sur toile, 66,4 x 48,9 cm
Bristol Museums and Art Gallery

En partie elle l’entraîna
En partie il s’enfonça
Jamais plus on ne le revit
Voici les vers qui achèvent Le Pêcheur de Goethe. Frederick Leighton (1830 – 1896) s’en est inspiré pour la réalisation du Pécheur et la Sirène. Les romantiques s’étaient déjà saisis du motif de la séduisante mais destructrice naïade. L’Odyssée d’Homère fournit un habile prétexte aux artistes des années 1850 pour peindre le nu. A travers les croyances populaires, la sirène de la mythologie grecque (tête de femme et corps d’oiseau) se métamorphosa en sirène médiévale (mi-femme, mi-poisson). C’est principalement à la Loreleï que la créature aquatique de Leighton fut comparée lors de son exposition à la Royal Academy en 1858.
La sirène constitue pour les peintres victoriens l’une des figures les plus envoûtantes de la femme fatale. Il est bien fréquent de trouver dans ces compositions l’homme prisonnier de ses charmes. En montrant celui-ci victime du désir féminin, Leighton a sans aucun doute fait preuve d’audace. Un critique a remarqué dans le Saturday Review que la toile ‘peut en effet faire sourciller’. Leighton a toutefois pris garde de réaliser un grand format ou une scène trop dramatique, ce qui lui permit de se soustraire à la censure. Plus étonnant est la torsion du corps étrangement viril de la sirène, dont la carnation nordique s’oppose à la peau mate du pécheur d’origine méditerranéenne. Le type germanique de la créature est accentué par ses tresses blondes, ornées de perles et de coraux. Cette étreinte fatale révèle la touche fluide de Leighton, une qualité qui le distinguait des autres maîtres du nu de la période. 

Olympiens et esthètes, ou l’idéalisation des corps
On nomme « olympiens » les peintres qui remettent au goût du jour les sujets issus de l’Antiquité. Leur sensibilité se distingue par une nouvelle interprétation des textes littéraires dont ils s’inspirent. Leur vision de l’Antiquité constitue un idéal d’harmonie et de beauté. Rattachés au cercle de Watts, Leighton et Lawrence Alma-Tadema (1836 – 1912), ils effectuent un Grand Tour à travers la Grèce et l’Italie, mais les marbres d’Elgin nourrissent aussi leur imaginaire. Lord Elgin, ambassadeur à Constantinople, fit envoyer en 1801 à Londres ces sculptures qui se trouvaient à l’origine sur le Parthénon. En 1856, elles furent rénovées avant d’être à nouveau exposées au British Museum, ce qui attira l’attention de nombreux journalistes. 
Lawrence Alma-Tadema, Dans le tépidarium, 1882
Huile sur panneau, 22,4 x 33 cm
Lady Lever Art Gallery, Port Sunlight
Alma-Tadema fit partie des artistes qui possédait des moulages des marbres dans son atelier. Si la Grèce incarnait pour les victoriens l’apogée du raffinement, Alma-Tadema préférait dépeindre la vie quotidienne des romains, dont les mœurs étaient jugées comme bien plus licencieuses. A l’instar d’Ingres et Delacroix, il se saisit du sujet du tépidarium, qui lui procura un subtil prétexte pour réaliser cette scène sensuelle, tout en se prémunissant contre la censure. Le tépidarium désigne la partie des termes où les romains prenaient un bain d’eau tiède. Or, les joues roses du modèle, ses lèvres entr’ouvertes et sa pose alanguie suggèrent les suites d’une activité physique intense. Les jeux de textures et la plume placée de façon stratégique renforcent la dimension érotique de la composition. Seuls le titre et le strigile évoquent une reconstitution historique. 
Edward Burne-Jones
Phyllis et Démophon, 1870
Aquarelle sur papier
93,8 x 47,5 cm
Birmingham City Museums
and Art Gallery
Les œuvres d’Edward Burne-Jones (1833 – 1898) permettent d’effectuer la synthèse entre les motifs olympiens et symbolistes. Cette aquarelle, qui s’inspire des Métamorphoses d’Ovide, causa un véritable scandale lorsqu’elle fut exposée à la Watercolour Society en 1870. Le critique Tom Taylor se plaignit dans le Times que les corps des deux amants étaient identiques, malgré la différence de sexe. De plus, le thème de la femme castratrice avait pour Burne-Jones une résonnance personnelle : Phyllis possède les traits de sa maîtresse Maria Zambaco. Après les tentatives avortées de Burne-Jones pour mettre fin à sa liaison, Maria Zambaco tenta de se noyer dans le Regent’s Canal en 1868, ce qui rappelait le suicide de Phyllis lorsqu’elle crut ne jamais revoir son bien-aimé. Accablé par la réception de son œuvre, Burne-Jones quitta la Société des Aquarellistes pour produire une version à l’huile dans laquelle il recouvrit d’un mince drapé les parties génitales de Démophon. 

La sculpture : le nu comme forme pure
Le nu en peinture faisait l’objet d’ardentes attaques. Paradoxalement, ce n’était pas le cas en sculpture. Si nous avons tendance à omettre cette technique, il convient de s’attarder sur son rôle fondamental dans la période victorienne. La plupart des artistes et critiques considéraient la statuaire comme la pratique la plus honorable. Les sculpteurs du 19ème s’employaient donc à dissimuler son aspect matériel. Sculpter le corps féminin exigeait de se conformer à toute une série de conventions afin de convoquer l’idée de perfection. L’artiste devait éliminer tous les signes d’individualité : le nu féminin ne comportait ni poils pubiens, ni rides, ni cicatrices. L’anecdote de la nuit de noces du critique d’art John Ruskin (1819 – 1900) est à ce titre célèbre : on raconte qu’il fut dégoûté par le corps de sa femme dès le premier soir. 
Le marbre représentant Lady Godiva par John Thomas (1813 - 1862) correspond parfaitement à la vision de la nudité que Ruskin a pu concevoir lors de son éducation artistique. Dans les années 1840, la légende de la Dame traversant les rues de Coventry nue à cheval connut un regain d'intérêt. Lady Godiva voulu persuader son époux de réduire les taxes prélevées sur la population locale. Selon l'une des versions, ces derniers se seraient enfermés chez eux pour soutenir la Dame. L'un d'eux nommé Tom aurait jeté un coup d'oeil à la dérobée et serait devenu aveugle sur le champ. C'est de cette légende que viendrait l'expression "Peeping Tom". 
John Thomas, Lady Godiva, marbre
Maidstone Museum

L'actrice Eliza Crowe incarna à plusieurs reprises l'héroïne dans des tableaux vivants, mais aussi lors de la procession commémorative qui avait lieu chaque année à Coventry depuis 1678. Si des associations puritaines parvinrent à rendre celle-ci triennale, elle fut déclarée d'"ordre public" par le secrétaire d'Etat en 1866. Lady Godiva symbolisait pour les victoriens une icône nationale, archétype de dévotion et de chasteté. 

John Gibson, Vénus teinte, vers 1851
Marbre et peinture, H 175 cm
Walker Art Gallery, Liverpool
Parce que le nu féminin incarnait les qualités les plus admirables du genre humain, les victoriens s'indignèrent des recherches archéologiques selon lesquelles les Grecs peignaient leurs statues. A l'Exposition Universelle de 1862, John Gibson (1790 - 1866) présenta sa Vénus teinte dont les couleurs furent qualifiées de "fatidiques" par l'Art Journal. En réalité, la critique ne fut pas trop acerbe car on craignait de ternir la réputation du sculpteur anglais le plus renommé des îles britanniques. Les défenseurs de Gibson éludèrent la controverse en interprétant sa statue comme un emblème d'amour conjugal. En la comparant à la très célèbre Vénus de Milo, ils insistèrent sur ses qualités morales. La couleur en sculpture dénotait une certaine vulgarité puisqu'elle rappelait non seulement le désir charnel et la réalité physique du modèle mais aussi l'art tribal. 

Emoustiller le public bourgeois: la culture visuelle populaire

Si le nu en peinture effarouchait autant les victoriens, c'est parce que, grâce aux innovations techniques de l'ère industrielle, on pouvait aisément reproduire et diffuser ces oeuvres à grande échelle. Pour les collectionneurs des classes moyennes qui ne disposaient pas d'éducation sexuelle, la contemplation du nu féminin s'apparentait à des pratiques proscrites par des associations qui tentaient de faire régner l'ordre public. 
Originaire de Bristol, John Simmons (1823 - 1876) fit carrière en tant que portraitiste. Dans les années 1860, il se spécialisa dans les sujets féériques. Parce que ces scènes étaient censées se dérouler dans un monde imaginaire, y inclure des nus était toléré. Le modèle de Simmons possède des proportions parfaites, à peine recouvertes par un voile transparent. Le caractère érotique de l'oeuvre provient de la pose évocatrice de la fée. Son regard interpellant le spectateur et le style hyperréaliste soulignent l'aspect troublant de l'aquarelle. En quelque sorte, les fées des Victoriens annoncent les pin-ups des années 1950. 
John Simmons, Une fée parmi les liserons
Date inconnue, aquarelle sur panneau
26,7 x 21 cm
Peter Nahum Ltd , Londres

Sujets féériques et photographies ébranlaient les limites entre l'art des élites et la culture populaire. Depuis l'entrée en vigueur de l'Obscene Publications Act (1859), le nu en photographie pouvait faire l'objet de poursuites judiciaires, ce que l'accusé contestait en répliquant que la photographie était essentielle à sa formation artistique, notamment lorsque les modèles n'étaient pas disponibles ou trop onéreux. Certains artistes pratiquaient donc leur activité en cachette. C'est le cas d'Edward Linley Sambourne (1844 - 1910). Marié, père de deux enfants, Sambourne vivait dans le respectable quartier de Kensington. Au premier étage, il préservait une vaste collection de photographies accrochées aux murs. Dans l'aile sud de la demeure se trouvait une commode qui recelait de cartes postales, coupures de journaux et photographies classées par catégories.

Edward Linley Sambourne, Maud Easton en
costume de Poucelina, jambes écartées, assise
dans un fauteuil au 54 Bedford Gardens, Londres

30 septembre 1891
Epreuve gélatino-argentique
21,4 x 16,4 cm
Linley Sambourse House, Londres
Dans les années 1880, Sambourne se mit à photographier sa femme, ses enfants et domestiques en costumes. Puisque Sambourne avait transformé une salle de bains en chambre noire et qu'il désirait déployer son activité, il profita de l'absence de sa famille pour réaliser des clichés de nus dans l'atelier de son ami, le peintre Alfred Parsons. Sambourne tenait un journal de ses séances, dans lequel figuraient le nom et l'adresse de chaque modèle accompagné de commentaire sur leur apparence physique ("silhouette charmante", "jambes longues et fines", "laide et idiote"). Maud Easton, qui posa pour plusieurs séances, fut qualifiée de "cruche". Avec la vue plongeante sur le sexe de la jeune femme, la dimension érotique de la photographie est explicite, ce que le masque et le costume de bouffon renforcent en faisant allusion aux pratiques sado-masochistes. 


Les "images problématiques" de la peinture moderne

Le nu dans la culture populaire fut progressivement assimilé comme relevant de la pornographie, dont le terme entra dans le langage courant en 1857. Les peintres qui avaient admiré les toiles impressionnistes s'inspirèrent de cette vogue pour représenter le corps féminin. 
Lorsque Philip Wilson Steer (1860 - 1942) présenta Un soir d'été à l'exposition de 1888 du New English Art Club, les critiques furent corrosives. S'il était fréquent de rencontrer d'amers jugements dans le monde de l'art, la technique de Steer fut perçue comme bien trop avant-gardistes. Une critique qui signa sous le pseudonyme de Pénélope se rappelle avoir éprouvé une réaction avoisinant le dégoût: "L'anormalité totale et l'impudence d' Un soir d'été de Steer m'ont mise très mal à l'aise. Trois nus de femmes à la peau boutonneuse, qui viennent de se baigner dans cette mer d'un bleu profond, se tiennent sur une plage constituée de tâches jaunâtres, (...) toute la composition est agressive et manque de naturel." Influencé par Monet, le style de Steer se rapprochait du pointillisme. Lors de son exposition au Salon des XX à Paris en 1899, Un soir d'été fut immédiatement comparé aux Poseuses de Seurat. 
Philip Wilson Steer, Un soir d'été, 1888
Huile sur toile, 228,6 x 146 cm
Collection particulière

Walter Sickert (1860 - 1942) s'intéressa au corps féminin dans la première décennie du 20ème siècle pour en faire son sujet de prédilection. Après avoir rencontré Degas à Paris en 1883, il revint en Angleterre et acheta des ateliers dans le quartier pauvre de Camden Town, qui servit de cadre à ses toiles. Sa technique qui se démarque par sa palette restreinte et ses aplats de couleurs sourdes en font une figure atypique de l'histoire de l'art britannique. A partir de 1901, il réalise des études de nu en intérieur, sur un sommier de fer. La femme ne possède pas d'individualité, ce que le titre renforce en attirant l'attention sur l'accessoire au premier plan. De plus, le modèle nous tourne le dos, et le regard du spectateur se dirige vers la source de lumière qui éclaire son postérieur. Si cette oeuvre n'a pas été produite pendant la période victorienne, le rôle de Sickert dans la fondation de l'English Art Club et sa technique novatrice le distinguent en ce qui concerne la représentation du corps humain et son évolution dans les arts au tournant du siècle. 



Walter Sickert, Le soulier de rose, vers 1902
Huile sur toile, 47,7 x 31,1 cm
Collection particulière


Déesses néoclassiques, créatures enchanteresses, statues et nus modernes... visions de la femme et sexualité des victoriens n'ont pas fini de nous fasciner. Si l'étude de Kenneth Clark a été contredite depuis maintenant près de soixante ans, elle n'en demeure pas moins un cadre de référence crucial. En 1966, la publication de Nous autres, victoriens par Steven Marcus nous a permis de nous apercevoir que la sexualité n'a jamais été véritablement réprouvée par les structures politiques, tout en renforçant cette hypocrisie qui persistait déjà sur la période. C'est Histoire de la sexualité de Michel Foucault qui représente une découverte capitale dans l'évolution de la recherche sur les victoriens. Le philosophe démontre que la répression de la sexualité a paradoxalement créé un terrain fertile pour la prolifération de la prostitution, d'images érotiques et de nouvelles pratiques. Selon Foucault, la sexualité n'est pas fait mais discours, construit à travers des images, des conceptions éthiques et structures légales.
Aucun de ces auteurs ne porte d'attention particulière à la différenciation des sexes. A partir des années 1970, ces sont les études féministes qui ont réalisé une percée dans la recherche pour prouver que la représentation du corps féminin est le fruit du regard masculin, régi par toute une série de codes. Le nu est donc l'objet de consommation réservée aux structures patriarcales. De nos jours, il existe de plus en plus d'essais et articles proposant d'autres perspectives sur la sexualité des victoriens. On s'intéresse progressivement aux origines locales et sociales des femmes. Si la distinction entre pornographie et art des élites n'était pas officiellement établie, nous pouvons enfin comprendre que ce sont les intellectuels de la première moitié du 20ème siècle qui se sont mis à caractériser l'ère victorienne d'austère afin d'affirmer la modernité de leur époque. Il serait peut-être temps de se rendre compte que finalement, les victoriens avaient défini des concepts à l'ostention de la chair...peut-être moins normatifs que les nôtres. 




[1]Cette toile monumentale préservée dans les collections royales fut réalisée par Franz Xavier Winterhalter, l’un des portraitistes officiels de la reine. 
[1]La Royal Academy devient de plus en plus conservatrice dans la seconde moitié du 19èmesiècle. C’est pourquoi les femmes fortunées choisissent pratiquer l’étude du nu dans des institutions privées ou plus progressistes comme la Slade School of Fine Art (fondée en 1871) ou la Leigh’s Academy (créée en 1848).
[2]La publication de l’essai Le nu : étude sur la forme idéalea été décisive pour le développement de la recherche sur la peinture victorienne dans les années 1960. Kenneth Clark examine l’évolution du nu dans l’art occidental depuis la Renaissance jusqu’au 20èmesiècle en éludant délibérément l’art britannique. L’ouvrage a largement contribué à disséminer une opinion négative sur la période victorienne. 




Bibliographie
Généralités 
Lionel LAMBOURNE, "The nude and classicism" in Victorian Painters, op.cit., pp.278 - 302
Ouvrages spécialisés
Frances SPALDING, Magnificent Dreams: Burne-Jones and the late Victorians, Phaidon Press, 1978
Allen STALEY, The New Paintings of the 1860s: between Pre-Raphaelitism and the Aesthetic Movement, Yale University Press, 2011
Christopher WOOD, Olympian Dreamers: Victorian classical painters, Londres, Constable, 1983
Catalogues d'exposition
Gail Nina ANDERSON et Joanne WRIGHT, Heaven on Earth: the religion of beauty in late Victorian art, Nottingham University Press, 1994
Jeremy MAAS, Victorian Fairy Painting, Londres, Merell Publishers, 2000
Alison SMITH, Exposed: The Victorian nude, Londres, Tate Publishing, 2001
Monographies
Russell ASH, Sir Edward Burne-Jones, Harry N. Abrams, 1983
Rosemary J. BARROW, Lawrence Alma-Tadema, Londres, Phaidon Press, 2001
Dennis FARR, William Etty, Londres, Routledge, 1958
Ormond Richard, Lord Leighton, Yale University Press, 1975
Sociologie
Kenneth CLARK, The Nude: a study in ideal form, Princeton University Press, 1972
Bram DJIKSTRA, Idols of Perversity: fantasies of feminine evil in fin-de-siècle culture, Oxford University Press, 1988 
Michel FOUCAULT, Histoire de la sexualité, Paris, Gallimard, 1994
Steven MARCUS, The Other Victorians: a study of sexuality and pornography in mid 19th century England, Transaction Publishers, 2009
Linda NEAD, Myths of sexuality: representations of women in Victorian Britain, Londres, Blackwell, 1988
Eric TRUDGILL, Madonnas and Magdalens: origins and development of Victorian sexual attitudes, Heinemann, 1976  




dimanche 5 août 2018

Ape-shitting the Louvre: the Carters abide


Last June, just in time to celebrate summer, a striking music clip was put online. It featured mega pop star Beyonce and her husband Jay-Z, taking by storm the largest museum in the world. That is, the Louvre. This six minute film, apparently meant to throw their overpowering and carefully staged relationship in the face of viewers, traces the couple's navigation through the most iconic artworks and galleries of the Parisian cultural institution. They appeared in a various array of costumes - amongst them, some questionably tasteful pastel suits - dancing nearby black dancers. Directed by Ricky Saiz, this first hint at their new album Everything is Love costed no less than 40 000 euros and two nights. For the record, Bey and her beloved had already asked for the shutting of the whole museum for their all-too private visit in 2014, already proving to you that no, the Carters aren't just the average tourists (seriously, who tours the Louvre in 10cm high heeled boots and is able to get that close to the Mona Lisa?).

Now don't get me wrong: of course it's not the first time the Louvre's been privatised to be shot in. The museum has been elected as one of the best renown Parisian movie sets for decades. It is a highly photogenic space, the Great Gallery of Italian masterpieces and the "red rooms" of French paintings featuring as one time favourites, starting in 1927 (the first Belphegor movie). From  New Wave Band of Outsiders by Godard to blockbusters like The Da Vinci Code, the Louvre has inspired countless numbers of directors. Personnally, my preference'll go to Funny Face and this amazing still of Audrey Hepburn singing nearby Winged Victory under the lens of Fred Astaire. However, through all these examples, the museum never embodies a key aspect of the plot. Some do not even deal with the art at all, and when they do, it is to treat it as an imaginary domain, as the basis of fantasy of detective fiction.



These days, the Louvre welcomes more than 100 filmings per year (Youtube videos, documentaries, fiction, etc etc). Since 2008, the museum's politics has been two-fold: spreading the Louvre's image abroad (as if it didn't attract tourists already) and re-locating French cinematographic production. Problem is: where does the money go? In a time when public subventions get scarcer and scarcer, privatisation of galleries represents of a good way to obtain revenues. Nevertheless, these are still kept secret by the museum staff. 
The days of big cultural budgets are over, I grant you that. I totally understand how some museums have to resort to diverse commercial strategies to enhance their value, collections and make heritage look sexy to various audiences. What I find increasingly disturbing though, is the dumbing down of their initial educational purpose in the process. 

Like many clips before this one, the Louvre appears in "Apeshit" just as a setting, purely for its aesthetic qualities. There is absolutely no referencing of the artworks, even the lesser known ones, such as this canvas by Marie Benoist, located on 2nd floor. Yet it's been argued the video would provide a fresh look onto the collection, to attract a younger audience. 
Marie Guillemine Benoist
Portrait of a black woman, 1800
Oil on canvas
81 x 65 cm
Indeed the attendance numbers of the Louvre have soared up, even more than usual for a regular summer season. In this regard, the Carters have succeeded in their fantastic marketing entreprise. Apparently, more than 500 000 tickets have been sold these past few days and the Louvre took this opportunity to extend its late night opening times. 
Already watched by about 70 millions of viewers, the clip has "inspired" what is deemed as some new thematical tour to walk into the steps of the stars. But there is actually nothing advanced in this: most of these 17 masterpieces are already included in the route proposed by tour guides and so damages the quality and research they put through their work. Besides, it makes already crowded areas even more congested, rendering a traditional Louvre visit a living nightmare. The traditional Mona Lisa stop, a long-time victim of popular culture, has now become the hit of massive entertainment. It would certainly be interesting to ask one of these visitors why he or she should take a picture, whether that person truly appreciates the artwork and why (and if he or she is not inconsciously reproducing their peers' behaviours). When I see this, I feel more like a user of the metro surrounded by throngs compulsively dialing on their phones, or within an gig audience recording everything by video. 


"When you go to Paris, you have to do it"
Well, no, actually you don't. Nothing compels you to

There is no reflection nor debate proposed by this themed course and the erratic order of artworks makes navigation through space even more difficult: for instance, the Apollo Gallery on 1st floor between the Denon and Sully wings should be seen before the Sphinx of Tanis (Sully, underground) to then end up on the 2nd floor gallery of 17th paintings... Considering the fact that the Louvre is probably the less user-friendly museum I know because of its history and architecture (lifts further than staircases, horribly heavy buggies you have to rent for babies at the entrance and miles and miles of walking from one wing to another), I really start to wonder in which part of their production they wish to invest nowadays. And reading the journey description on the museum's website, it feels more like an average orientation game than an actual tour where you can learn about art.

But there is some sort of social level issue too: this "new" audience is definitely middle-class American, already representing a very high percentage of Parisian tourism. In terms of cultural democratisation, we can do much better. Secondly, don't try to argue and tell me Beyonce and Jay-Z represent some kind of indie pop figures, they stand for nothing but the utmost mainstream (and to be honest, if you ask me, I think the tune is absolutely un-listenable). They're hip, fashionable, wealthy, and they certainly make a  show it. Queen B already sold 180 millions of albums, while her husband's fortune has been estimated around 800 millions of dollars. Do simple maths and you'll realise that "Apeshit" cost 6666 euros/ minute. Take a close look at the video and lyrics: they do nothing but rehearsing all the worst clichés in body language of bad rap and hip hop music.
In other terms: you don't have to be vulgar to attract crowds and money, or to engage young people in art. You can do it in a clever way. And let me make myself clear: not one second will this pure product of cultural capitalism benefit curators, tour guides and art professionals who attempt to shed new lights on the collections by delivering creative content. 


Charles Gaines, Faces, Set #4, Stephan W. Walls, 1978
Photograph, ink on paper; tryptich: 58,4 x 144,8 cm
Hammer Museum, Los Angeles

Last but not least: the so-called political implications. Probably what made me cringe the most these past few days was the incredible amount of nonsense I read on the couple's giving a voice to black culture. According to journalist and anti-racism activist Rokhaya Diallo, these two emblems of contemporary pop were able to enhance Afro-American visibility in "Apeshit". So that's it? The 2018 version of the American Dream? Two giants of the music industry privatising a costly cultural institution? How odd. How odd indeed, when one realises the Carters stand for an extremely rare minority of priviledged coloured people, e.g, the close circle of world famous millionaires. And Bey might have distinguished herself for her philanthropic activities in favour of the Black community, but this seems all the more ironical with the leaking, last winter, of a scandal involving her own clothes label, Ivy Park. Papers like The Sun and Huff Post revealed the outrageous conditions of its Sri Lankan female workers, while the fashion company aimed at "celebrating every woman and the body she's in".
Edouard Manet, Olympia (detail), 1863
Musée d'Orsay
We are far from the Black Panther marches or the shocking social commentaries on race by photographer Charles Gaines. There are many ways of addressing ethnicity and the dialectics of power in the museum. For the record, the Musée d'Orsay will launch an exhibition next Spring on the role of the black model in French painting from the abolition of slavery till the 20th century by adopting an interdisciplinary approach. The poster will be a detail of Manet's Olympia, focussing, obviously, on the figure of the black attendant bringing flowers to the courtesan. 
Non white skin middle-class people and youngsters might feel overlooked when they go to the Louvre. But asserting that Beyonce and Jay-Z enforce their empowerement or that they enable them to relate to the classics is utterly meaningless, if not wrong. What we need now is the help of postcolonial studies - many of the featured artworks were trophies of Napoleonian campaigns - through a carefully tailored narrative made by cultural professionals who know how to tackle sensitive issues, are aware of contemporary aesthetics and still interpret it in an accessible way. Even journalist Diallo points out that the two singers might not be conscious of this hidden message, entirely generated by critics and social media. History teacher Nail Ver-Ndoye went as far as declaring that the video was a way to make up for how the Louvre used to consider its younger audiences and how snooty museums were towards them!
Oh yeah, baby
Let's play the ego contest now
Who's the best? The noblest?
Who's worth the most now?
With their new album release, the Carters achieved only one thing: to fashion and fancy themselves as the product of Western history, amongst many others. They don't engage in artistic dialogue, but would rather refurbish symbols of white supremacy. So let's face it and recognise the unfathomable truth: there is absolutely no sense of equity created by "Apeshit", a song that, in the end, couldn't have been christenned better.